Emboîtant le pas à la Région flamande et à la Région de Bruxelles-Capitale, la Région wallonne a également annoncé une réforme de sa fiscalité immobilière à destination de ceux qu’il est convenu d’appeler, parfois improprement, les primo-acquérants. Celle-ci consiste principalement dans un doublement de l’abattement fiscal sur les droits d’enregistrement lors de l’acquisition.
Présentation
En Région wallonne, le taux des droits d’enregistrement applicable à l’acquisition immobilière est en principe de 12,5%[1] mais les acquéreurs peuvent, à certaines conditions, bénéficier d’un abattement « en cas d’habitation unique »[2].
Alors que l’on se réfère souvent, lors de la présentation de l’abattement, à la notion de primo-acquérant, celle-ci est en réalité trompeuse. C’est bien d’une « habitation unique » dont il est question. Une même personne ou un même ménage peut donc bénéficier plusieurs fois de la mesure au cours de son existence pour autant que l’immeuble pour lequel l’abattement est sollicité constitue bien toujours sa seule habitation en propriété. Si l’on a été primo-acquérant, l’on peut donc bénéficier de l’abattement sur une future acquisition à condition de revendre l’immeuble précédemment acquis.
Abattement en cas d’habitation unique
Depuis le 1er janvier 2018, l’abattement en Région wallonne était de 20.000 EUR, ce qui représentait économie fiscale de 2.500 EUR (soit 20.000 EUR fois 12,5%) sur la base du taux ordinaire de 12,5 %.
A partir du 1er juillet 2023, le montant de l’abattement sera doublé pour passer à 40.000 EUR mais le bénéfice de l’abattement sera réservé aux biens dont la valeur n’excède pas 350.000 EUR. Pour ces biens, l’avantage fiscal s’élèvera donc à 5.000 EUR, contre 2.500 EUR auparavant.
Pour les biens ayant une valeur de plus de 350.000 EUR, le montant de l’abattement sera réduit progressivement en fonction de la valeur de l’immeuble jusqu’à 500.000 EUR. A partir de 500.000 EUR, l’abattement sera appliqué sous la forme que l’on connaît actuellement, c’est-à-dire un abattement limité à 20.000 EUR.
Le tableau qui suit permet d’apprécier la manière dont l’abattement sera dorénavant calculé.
Base imposable
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Abattement |
< 350.000 EUR
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40.000 EUR |
Entre 350.000 et 500.000 EUR |
40.000 EUR – ((20.000 EUR x (base imposable – 350.000 EUR)/500.000 – 350.000))
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> 500.000 EUR
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20.000 EUR |
Conditions
Le bénéfice de l’abattement est toutefois soumis au respect de plusieurs conditions cumulatives :
- l’acquéreur ne peut posséder, à la date de la convention d’acquisition, la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné en tout ou en partie à l’habitation; lorsque l’acquisition est faite par plus d’une personne, chaque acquéreur doit remplir cette condition et, en outre, les acquéreurs ne peuvent posséder ensemble la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné en tout ou en partie à l’habitation;
- les acquéreurs doivent s’engager à établir leur résidence principale à l’endroit de l’immeuble acquis dans les trois ans, ce délai commençant à courir à compter de l’enregistrement de l’acte constatant l’acquisition ou à compter de la date limite de présentation de cet acte à la formalité de l’enregistrement ;
- ils doivent s’engager à maintenir leur résidence principale dans l’immeuble acquis pendant une durée ininterrompue d’au moins trois ans à compter de la date de l’établissement de leur résidence principale dans l’immeuble pour lequel la réduction a été obtenue
Sanctions en cas de non-respect des conditions
Si la première des conditions énumérées ci-avant (absence de détention d’un autre immeuble) n’est pas respectée, les acquéreurs sont indivisiblement tenus au paiement des droits complémentaires sur le montant de la réduction de la base imposable, et d’une amende égale à ces droits complémentaires.
Si la seconde condition n’est pas respectée, les mêmes droits complémentaires et la même amende sont dus indivisiblement par les acquéreurs lorsqu’aucun d’eux ne satisfait à l’engagement. Lorsque certains acquéreurs ne satisfont pas à cet engagement, les droits complémentaires et l’amende auxquels ils sont indivisiblement tenus, sont déterminés en proportion de leur part légale dans l’immeuble acquis. L’amende n’est toutefois pas due lorsque le non-respect de l’engagement résulte de la force majeure (décès, accident grave, maladie, divorce, séparation, etc.). La notion de force majeure est en général interprétée de manière très restrictive par l’administration fiscale.
Si la troisième condition n’est pas respectée et sauf cas de force majeure, des droits complémentaires sur le montant de la réduction de la base imposable sont dus indivisiblement par les acquéreurs lorsqu’aucun d’eux ne satisfait à l’engagement.
Abattement applicable aux terrains à bâtir ou d’une habitation en construction ou sur plan
Le même abattement que celui applicable aux immeubles bâtis s’applique sous réserve que les valeurs retenues sont diminuées de moitié.
A partir du 1er juillet 2023, le montant de l’abattement sera donc également de 40.000 EUR mais le bénéfice de l’abattement sera réservé aux biens dont la valeur n’excède pas 175.000 EUR.
Pour les biens ayant une valeur de plus de 175.000 EUR, le montant de l’abattement sera réduit progressivement en fonction de la valeur de l’immeuble jusqu’à 250.000 EUR. A partir de 250.000 EUR, l’abattement sera appliqué sous la forme que l’on connaît actuellement, c’est-à-dire un abattement limité à 20.000 EUR.
Le tableau qui suit permet d’apprécier la manière dont l’abattement sera dorénavant calculé sur les terrains à bâtir et les habitations en construction ou sur plan.
Base imposable
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Abattement |
< 175.000 EUR
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40.000 EUR |
Entre 175.000 et 250.000 EUR |
40.000 EUR – ((20.000 EUR x (base imposable – 175.000 EUR)/250.000 – 175.000))
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> 250.000 EUR
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20.000 EUR |
Conclusions
L’on ne peut de toute évidence qu’accueillir favorablement une mesure qui tend à faciliter l’accès à la propriété et qui vise donc particulièrement les jeunes ménages. La concurrence fiscale entre les Régions sur le plan de la fiscalité immobilière s’est considérablement accrue. Celles-ci doivent faire preuve d’audace et de créativité pour attirer les nouveaux investisseurs. Il était donc nécessaire que la Région wallonne propose de nouvelles mesures incitatrices pour répondre à celles récemment adoptées par ses homologues.
François Collon (fcollon@collon-law.be)
Collon, avocats en droit fiscal
[1] Art. 44 du Code des droits d’enregistrement.
[2] Art. 46bis du Code des droits d’enregistrement.