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Les régularisations fiscales, le rapatriement de capitaux et la législation anti-blanchiment (Partie 4)

III. Les procédures de régularisation fiscales et leurs effets pénaux

15.

Depuis 2004, la Belgique a connu quatre procédures de régularisation fiscale[1] issues de plusieurs lois :

  • la loi du 31 décembre 2003 instaurant la procédure de déclaration libératoire unique (ci-après « DLU ») ;
  • la loi-programme du 27 décembre 2005 instaurant un régime de régularisation permanente (ci-après « DLUbis ») ;
  • la loi du 11 juillet 2013 modifiant la loi du 27 décembre 2005 et introduisant une troisième procédure de DLU (ci-après « DLUter ») ;
  • la loi du 29 juillet 2016 instaurant la quatrième procédure de régularisation fiscale (ci-après « DLUquater »).

16.

L’objectif de la loi du 31 décembre 2003 instaurant la procédure de déclaration libératoire unique est décrit comme suit dans les travaux préparatoires « la législation actuelle en matière de blanchiment dissuade quiconque d’injecter des fonds non déclarés dans l’économie. Il est dès lors souhaitable d’introduire une disposition offrant une immunité au regard du droit pénal à ceux qui acquittent la contribution unique. Une telle disposition équivaut à un régime transitoire pour l’article 505 du Code pénal, dans la mesure où celle-ci porte sur les avantages patrimoniaux tirés d’infractions fiscales »[2].

La DLU était une véritable procédure d’amnistie fiscale et pénale et elle visait spécifiquement le rapatriement de fonds moyennant un coût relativement faible. La régularisation pouvait porter uniquement sur des avoirs issus de la fraude fiscale simple par opposition à la fraude fiscale grave et organisée.

17.

 La DLUbis visait à permettre de régulariser des revenus, sommes ou opérations qui n’auraient pas subi leur régime fiscal, en dehors de tout contrôle (et donc de manière spontanée) et ce, aux taux normal d’imposition majoré d’une amende. La régularisation pouvait porter uniquement sur des avoirs issus de la fraude fiscale simple par opposition à la fraude fiscale grave et organisée. Les capitaux prescrits n’étaient pas visés spécifiquement par la loi-programme du 27 décembre 2005.

18.

La DLUter a permis la régularisation des fonds provenant de la fraude fiscale grave et organisée ainsi que ceux provenant d’abus de biens sociaux ou de confiance. Dans ces cas, la pénalité était de 20 % au lieu de 15 % dans le cadre de la fraude simple. Pour la première fois, la loi du 11 juillet 2013 prévoyait spécifiquement la possibilité de régulariser les capitaux prescrits à un taux de 35 %.

19. 

La DLUquater ne fait plus aucune distinction entre les différents types de fraude. Les capitaux prescrits doivent être nécessairement régularisés à un taux de 40 % (depuis l’année 2020) sauf à démontrer, au moyen de documents probants, que ces capitaux ont subi leur régime fiscal ordinaire.

20. 

Ces procédures se différencient dans leur portée, les deux premières procédures ne visant que la fraude simple à l’exclusion de la fraude fiscale grave et organisée et ne prévoyant pas spécifiquement la possibilité de régulariser les capitaux prescrits, et dans leur coût, celui-ci augmentant au fur et à mesure de l’écoulement du temps laissé aux contribuables pour régulariser leur situation et de l’expansion des échanges d’informations entre Etats.

Ces quatre procédures répondent néanmoins à une trame commune en ce qu’elles offrent toutes une amnistie fiscale et pénale. Et c’est précisément cette dichotomie qui a entraîné toutes les controverses ultérieures.

21.

Ainsi, s’agissant de l’amnistie pénale à l’instar des procédures en vigueur antérieurement, l’article 10 de la loi du 21 juillet 2016 relative à la DLUquater prévoit expressément que les contribuables qui ont régulièrement déclaré les capitaux prescrits et les revenus non prescrits dans le cadre de leur régularisation, bénéficient d’une immunité pénale pour toute infraction de blanchiment portant sur les capitaux et revenus issus d’une fraude fiscale originaire ou d’une fraude fiscale consistant en un faux en écritures, un abus de confiance ou encore un abus de biens sociaux. Cette immunité pénale s’étend aux tiers à la fraude initiale telles que les institutions bancaires qui seraient susceptibles de recevoir et gérer les fonds.

 

François COLLON

Avocat au barreau de Bruxelles

 

[1] La loi du 31 décembre 2003 instaurant la procédure de déclaration libératoire unique (M.B., 6 janvier 2004) (ci-après « DLU ») ; la loi-programme du 27 décembre 2005 instaurant un régime de régularisation permanente (M.B., 30 décembre 2005, p. 57315) (ci-après « DLUbis ») ; la loi du 11 juillet 2013 modifiant la loi du 27 décembre 2005 et introduisant une troisième procédure de DLU (M.B., 12 juillet 2013, 2ème édition) (ci-après « DLUter ») ; la loi du 29 juillet 2016 instaurant la quatrième procédure de régularisation fiscale (M.B., 29 juillet 2016) (ci-après « DLUquater »)

[2] Doc. parl., Ch. Repr., sess. ord. 2003-2004, n° 51-0353/001, p. 17